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du Midi. Mais l’église la possédait surtout, et, depuis la mort de son fils, elle allait endormir son chagrin dans la fraîcheur silencieuse, le demi-jour, le demi-bruit des hautes nefs, comme dans une paix de cloître défendue du grouillement de la vie par les lourdes portes rembourrées, avec cet égoïsme dévot et lâche des désespoirs accoudés aux prie-Dieu, déliés des soucis et des devoirs.

Rosalie, déjà jeune fille au moment de leur malheur, avait été frappée de la façon différente dont ses parents le subissaient : elle, renonçant à tout, abîmée dans une religion larmoyante, lui, demandant des forces à la tâche accomplie ; et sa tendre préférence pour son père lui était venue d’un choix de sa raison. Le mariage, la vie commune avec les exagérations, les mensonges, les démences de son Méridional, lui faisaient trouver encore plus doux l’abri de la bibliothèque silencieuse qui la changeait du garni grandiose, officiel et froid, des ministères.

Au milieu de la calme causerie, on entendait un bruit de porte, un frou-frou de soie, Hortense qui rentrait.

— Ah ! je savais te trouver là…

Elle n’aimait pas à lire, celle-là. Même les romans l’ennuyaient, jamais assez romanesques pour son exaltation. Au bout de cinq minutes qu’elle était à piétiner, son chapeau sur la tête :

— Ça sent le renfermé, toutes ces paperasses… tu ne trouves pas, Rosalie ?… Allons, viens un peu avec moi… Père t’a assez eue. Maintenant, c’est mon tour.

Et elle l’entraînait dans sa chambre, leur chambre,