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avec des chatteries adroites, ses amorces à prendre le Gaulois ; mais le Gaulois, plus subtil que lui-même, ne se laissait pas envelopper. Et lorsqu’on causait politique, le dimanche, dans la salle à manger de la place Royale ; lorsque Numa, attendri par la bonne chère, essayait de faire croire au vieux Le Quesnoy qu’en réalité ils étaient bien près de s’entendre voulant tous deux la même chose – la liberté ; il fallait voir le coup de tête révolté dont le président lui secouait toutes ses mailles.

— Ah ! mais non, pas la même !

En quatre arguments précis et durs, il rétablissait les distances, démasquait les mots, montrait qu’il ne se laissait pas prendre à leur tartuferie. L’avocat s’en tirait en plaisantant, très vexé au fond, surtout à cause de sa femme qui, sans se mêler jamais de politique, écoutait et regardait. Alors en revenant, le soir, dans leur voiture, il s’efforçait de lui prouver que son père manquait de bon sens. Ah ! si ça n’avait pas été pour elle, il l’aurait joliment rembarré. Rosalie, pour ne pas l’irriter, évitait de prendre parti :

— Oui, c’est malheureux… vous ne vous entendez pas… Mais tout bas elle donnait raison au président.

Avec l’arrivée de Roumestan au ministère, le froid entre les deux hommes s’était accentué. M. Le Quesnoy refusait de se montrer aux réceptions de la rue de Grenelle, et s’en expliqua très nettement avec sa fille :

— Dis-le bien à ton mari… qu’il continue à venir chez moi et le plus souvent possible, j’en serai