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de curiosité, comme tout à l’heure à l’entrée de la petite Bachellery. C’est le tambourin de Valmajour, l’apparition du superbe paysan, son feutre mou sur l’oreille, la ceinture rouge aux reins, la veste contadine à l’épaule. Une idée d’Audiberte, un instinct de son goût de femme, de l’habiller ainsi pour plus d’effet au milieu des habits noirs. À la bonne heure, tout ceci est neuf, imprévu, ce long tambour qui se balance au bras du musicien, la petite flûte sur laquelle ses doigts s’escriment, et les jolis airs à double sonnerie dont le mouvement, enlevant et vif, moire d’un frisson de réveil le satin des belles épaules. Le public blasé s’amuse de ces aubades toutes fraîches, embaumées de romarin, de ces refrains de vieille France.

« Bravo !… Bravo !… Encore !… »

Et quand il attaque la Marche de Turenne sur un rythme large et vainqueur que l’orchestre accompagne en sourdine, enflant, soutenant l’instrument un peu grêle, c’est du délire. Il faut qu’il revienne deux fois, dix fois, réclamé en première ligne par Numa dont ce succès a réchauffé le zèle et qui maintenant prend à son compte « la fantaisie de ces dames ». Il raconte comment il a découvert ce génie, explique la merveille de la flûte à trois trous, donne des détails sur le vieux castel des Valmajour.

« Il s’appelle vraiment Valmajour ?

— Certainement… des princes des Baux… c’est le dernier. »

Et la légende court, se répand, s’enjolive, un vrai roman de George Sand.

« J’ai les parchemeïns chez moi ! » affirme Bompard