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avec le nom de Valmajour mêlé à celui de plusieurs illustrations lyriques ; mais on ne regardait pas le programme. Seuls, des gens de l’intimité, de ces gens qui sont au courant de tout, disaient au ministre, debout à l’entrée du premier salon :  

— Vous avez donc un tambourinaire ?

Et lui, distraitement :

— Oui, c’est une fantaisie de ces dames.

Le pauvre Valmajour ne le préoccupait guère. Il y avait un autre début, plus sérieux pour lui, ce soir-là. Qu’allait-on dire ? Aurait-elle du succès ? L’intérêt qu’il portait à cette enfant ne l’avait-il pas illusionné sur son talent de chanteuse ? Et très pris, quoiqu’il ne voulût pas encore se l’avouer, mordu jusqu’aux os d’une passion d’homme de quarante ans, il sentait cette angoisse du père, du mari, de l’amant, du tapissier de la débutante, une de ces anxiétés douloureuses, comme on en voit rôder derrière la toile des portants, les soirs de première représentation. Cela ne l’empêchait pas d’être aimable, empressé, d’accueillir son monde à deux mains, – et que de monde, boun Diou ! – d’avoir des mines, des sourires, des hennissements, des piaffements, des renversements de corps, des courbettes, une effusion un peu uniforme, mais avec des nuances, cependant.

Quittant tout à coup, repoussant presque le cher invité auquel il était en train de promettre tout bas une foule de faveurs inappréciables, le ministre s’élançait au-devant d’une dame haute en couleur, à démarche autoritaire : « Ah ! madame la maréchale ! »