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impatientes, des blancheurs nuancées aux portières derrière la buée des vitres. Tantôt elle revenait vers la porte où le privilège d’un coupe-file faisait entrer librement quelque carrosse de haut fonctionnaire. Elle écartait les gens : « Pardon… laissez-moi un peu que je regarde. » Sous le feu des ifs, sous la toile rayée des marquises, les marche-pieds ouverts avec fracas laissaient se développer sur les tapis des flots de satin cassant, des légèretés de tulle et de fleurs. La petite ombre se penchait avidement, se retirant à peine assez vite pour ne pas être écrasée par d’autres voitures qui entraient.

Audiberte avait voulu se rendre compte par elle-même, voir un peu comment tout cela se passerait. Avec quel orgueil elle regardait cette foule, ces lumières, les soldats à pied et à cheval, tout ce coin de Paris sens dessus dessous pour le tambourin de Valmajour. Car c’est en son honneur que la fête se donnait et elle se persuadait que ces beaux messieurs, ces belles dames n’avaient que le nom de Valmajour sur les lèvres. De la porte de la rue de Grenelle, elle courait à la rue Bellechasse, par où sortaient les voitures, s’approchait d’un groupe de gardes de Paris, de cochers en grandes houppelandes, autour d’un brasero flambant au milieu de la chaussée, s’étonnait d’entendre ces gens-là parler du froid, bien vif cet hiver, des pommes de terre qui gelaient dans les caves, des choses absolument indifférentes à la fête et à son frère. Surtout elle s’irritait de la lenteur de cette file indéfiniment déroulée ; elle aurait voulu voir entrer la dernière voiture, se dire « Ça y est… On commence… Cette fois,