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e triste Béchut ? demanda Rosalie, baissant la voix d’instinct, dans cette maison pleine, où il y avait un étranger derrière chaque porte.

— Ce qu’il veut ?… Sa direction,  !… C’est le requin de Dansaert… Il attend qu’on le lui jette par-dessus bord pour le dévorer.

Elle se rapprocha de lui vivement :

— M. Dansaert quitte le ministère ?

— Tu le connais ?

— Mon père m’a souvent parlé de lui… Un compatriote, un ami d’enfance… Il le tient pour un honnête homme et un grand esprit.

Roumestan balbutia quelques raisons : « Mauvaises tendances… voltairien… » Cela rentrait dans un plan de réformes. Et puis il était bien vieux.

— Et c’est par Béchut que tu le remplaces ?

— Oh ! je sais que le pauvre homme n’a pas le don de plaire aux dames…

Elle eut un beau sourire de dédain :

— Pour ses impertinences, je m’en soucie autant que de ses hommages… Ce que je ne lui pardonne pas, ce sont ses grimaces cléricales, cet étalage bien pensant… Je respecte toutes les croyances… mais s’il y a au monde une chose laide et qu’il faut haïr, Numa, c’est le mensonge, c’est l’hypocrisie.

Malgré elle, sa voix s’élevait, chaude, éloquente ; et son visage un peu froid prenait un resplendissement d’honnêteté, de droiture, un rose éclat d’indignation généreuse.

— Chut ! chut ! fit Roumestan, mont