Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/109

Cette page n’a pas encore été corrigée

là, auxquels Roumestan avait demandé dans l’après-midi leur collaboration aux terribles devoirs de l’instruction publique, était vraiment incalculable. Pour les beaux-arts, il se sentait plus à l’aise, et on ne lui refuserait pas sans doute… Un murmure flatteur de rires, d’interjections, l’empêcha de continuer. Il n’y avait là-dessus qu’une voix dans Paris, même chez les plus hostiles. Numa était l’homme indiqué. Enfin on allait avoir un jury, des théâtres lyriques, un art officiel. Mais le ministre coupa court aux dithyrambes et fit remarquer sur un ton familier, plaisant, que le nouveau cabinet se trouvait presque entièrement composé de Méridionaux. Sur huit ministres, le Bordelais, le Périgord, le Languedoc, la Provence en avaient fourni six. Et s’excitant : « Ah ! le Midi monte, le Midi monte… Paris est à nous. Nous tenons tout. Il faut en prendre votre parti, messieurs. Pour la seconde fois les Latins ont conquis la Gaule ! »

Il était bien, lui, un Latin de la conquête avec sa tête de médaille aux larges méplats sur les joues, et son teint chaud, et ses brusques allures de sans-gêne dépaysées dans ce salon si parisien. Sur les rires et les applaudissements que soulevait son mot final, il quitta la cheminée lestement en bon comédien qui sait se retirer juste après l’effet, fit signe à Méjean de le suivre et disparut par une des portes intérieures, laissant à Rosalie le soin de l’excuser. Il dînait à Versailles, chez le maréchal ; il lui restait à peine le temps de s’apprêter, de donner quelques signatures.

— Venez m’habiller, dit-il au domestique en