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LETTRES DE MON MOULIN.

d’elle elle aperçut tout un Avignon fantastique, les baraques du marché pas plus grosses que des noisettes, les soldats du Pape devant leur caserne comme des fourmis rouges, et là-bas, sur un fil d’argent, un petit pont microscopique où l’on dansait, où l’on dansait… Ah ! pauvre bête ! quelle panique ! Du cri qu’elle en poussa, toutes les vitres du palais tremblèrent.

— Qu’est ce qu’il y a ? qu’est-ce qu’on lui fait ? s’écria le bon Pape en se précipitant sur son balcon.

Tistet Védène était déjà dans la cour, faisant mine de pleurer et de s’arracher les cheveux :

— Ah ! grand Saint-Père, ce qu’il y a ! Il y a que votre mule… Mon Dieu ! qu’allons-nous devenir ? Il y a que votre mule est montée dans le clocheton…

— Toute seule ???

— Oui, grand Saint-Père, toute seule… Tenez ! regardez-la, là-haut… Voyez-vous le bout de ses oreilles qui passe ?… On dirait deux hirondelles…