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L’ÉLIXIR DU RÉVÉRAND PÈRE GAUCHER.

murmure d’étonnement courut dans les trois nefs. On chuchotait de bréviaire à bréviaire :

— Qu’a donc notre Père Gaucher ?… Qu’a donc notre Père Gaucher ?

Par deux fois le prieur, impatienté, fit tomber sa crosse sur les dalles pour commander le silence… Là-bas, au fond du chœur, les psaumes allaient toujours ; mais les répons manquaient d’entrain…

Tout à coup, au beau milieu de l’Ave verum, voilà mon Père Gaucher qui se renverse dans sa stalle et entonne d’une voix éclatante :


Dans Paris, il y a un Père blanc,
Patatin, patatan, tarabin, taraban…

Consternation générale. Tout le monde se lève. On crie :

— Emportez-le… il est possédé !

Les chanoines se signent. La crosse de monseigneur se démène… Mais le Père Gaucher ne voit rien, n’écoute rien ; et deux moines vigoureux sont obligés de l’entraîner par la petite porte du chœur, se débattant