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LETTRES DE MON MOULIN.

et son épée de gala à poignée de nacre… Sur ses genoux repose une grande serviette en chagrin gaufré qu’il regarde tristement.

M. le sous-préfet regarde tristement sa serviette en chagrin gaufré ; il songe au fameux discours qu’il va falloir prononcer tout à l’heure devant les habitants de la Combe-aux-Fées :

— Messieurs et chers administrés…

Mais il a beau tortiller la soie blonde de ses favoris et répéter vingt fois de suite :

— Messieurs et chers administrés… la suite du discours ne vient pas.

La suite du discours ne vient pas… Il fait si chaud dans cette calèche !… À perte de vue, la route de la Combe-aux-Fées poudroie sous le soleil du Midi… L’air est embrasé… et sur les ormeaux du bord du chemin, tout couverts de poussière blanche, des milliers de cigales se répondent d’un arbre à l’autre… Tout à coup M. le sous-préfet tressaille. Là-bas, au pied d’un coteau, il vient d’apercevoir un petit bois de chênes verts qui semble lui faire signe.