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LETTRES DE MON MOULIN.

— Un naufrage !… mais c’est très amusant, un naufrage. Nous en serons quittes pour un bain à la glace, et puis on nous mènera à Bonifacio, histoire de manger des merles chez le patron Lionetti.

Et les tringlos de rire…

Tout à coup, un craquement… Qu’est-ce que c’est ? Qu’arrive-t-il ?…

— Le gouvernail vient de partir, dit un matelot tout mouillé qui traverse l’entrepont en courant.

— Bon voyage ! crie cet enragé de brigadier ; mais cela ne fait plus rire personne.

Grand tumulte sur le pont. La brume empêche de se voir. Les matelots vont et viennent, effrayés, à tâtons… Plus de gouvernail ! La manœuvre est impossible… La Sémillante, en dérive, file comme le vent… C’est à ce moment que le douanier la voit passer ; il est onze heures et demie. À l’avant de la frégate, on entend comme un coup de canon… Les brisants ! les brisants !… C’est fini, il n’y a plus d’espoir, on va droit à la côte… Le capitaine descend dans sa ca-