Page:Daudet - Les Amoureuses, Charpentier, 1908.djvu/307

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gosier que j’ai gaspillées jusqu’à ce jour et semées à tous les vents.

les rossignols.

Eh bien ! viens avec nous, Rossignol des bois, viens avec nous ; viens faire un noviciat d’une journée, tu habitueras ta voix à des chansons tristes, ton cœur à la tendre pitié, ton œil à la vigilance. Tu vivras de notre vie, et quand tu auras vu l’efficacité de nos services, tu entreras, si tu t’en sens le courage, dans la corporation des Rossignols du cimetière ; et maintenant, attention ! ton noviciat commence. Voici le soleil qui se lève, le vent qui tiédit ; c’est le jour. — Un lourd craquement se fait entendre sous les tombes ; ce sont les morts qui se réveillent, par habitude, au jour levant. Il faut les rendormir : chantons, mes frères, chantons. Toi, prends garde, ami, pas de trille éclatant ni de roulades, que ton gosier soit tout miel et velours.