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la maîtresse.

Vous voyez bien, n’est-ce pas, que votre religion ne peut rien pour moi ? Elle m’ordonne de ne plus songer à celui qui fut ma vie et ma joie ; à ce prix seul, j’ai droit à votre paradis. Mais, moi morte, l’être chéri que je laisserai seul ne me pardonnera pas ma trahison du dernier moment ; il maudira ma mémoire, il maudira ce Dieu pour qui je l’aurai renié, et quand Iheure triste sonnera pour lui, il me laissera jouir seule des délices de mon paradis. — Oh ! alors, que serait-il pour moi, ce paradis, loin de l’homme que j’aime ! Et quel remords, au milieu de mon bonheur ! songer qu’un autre, — et quel autre, mon Dieu ! — paye d’éternelles tortures sa fidélité à nos serments d’éternel amour, tandis que moi, l’infidèle et la renégate, je jouirai en paix du prix de ma pieuse trahison !