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la maîtresse.

Dieu peut me défendre de vivre, mais il ne saurait me défendre d’aimer.

le prêtre.

Dieu ne défend pas de vivre, Dieu ne défend pas d’aimer. Dieu commande la vie honnête et l’amour sans tache. Avez-vous aimé purement, avez-vous vécu honnêtement ? Si vous êtes sûre de votre vie et de vous-même, si rien ne s’émeut à ma voix dans votre conscience, vous êtes trois fois bénie, ma fille, et je n’ai plus qu’à vous donner le baiser de paix.

la maîtresse.

Je ne suis qu’une pauvre créature qui a toujours suivi l’élan de son cœur ; ce cœur n’a pas voulu de celui qu’on lui avait donné pour maître, mais il s’est livré ailleurs et tout entier. L’homme que vous avez vu à mon chevet est mon amant. Un jour, lasse de mes arides devoirs d’épouse indifférente, j’ai dit à cet homme : « Emmène-moi d’ici, je ne veux plus vivre qu’avec toi. » Et nous nous sommes aimés jusqu’à ce jour comme des perdus.

le prêtre.

Malheureux enfants !