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leur, dorment collées aux vitres… Le petit Chose, lui, fait de grands efforts pour ne pas dormir. Sa tête est lourde comme du plomb ; ses paupières battent.

Travaille donc, Daniel Eyssette !… Il faut reconstruire le foyer… Mais non ! il ne peut pas… Les lettres de son livre dansent devant ses yeux, puis, ce livre qui tourne, puis la table, puis la chambre. Pour chasser cet étrange assoupissement, le petit Chose se lève, fait quelques pas ; arrivé devant la porte, il chancelle et tombe à terre comme une masse, foudroyé par le sommeil.

Au-dehors, les moineaux piaillent ; les cigales chantent à tue-tête ; les platanes, blancs de poussière, s’écaillent au soleil en étirant leur mille branches.

Le petit Chose fait un rêve singulier ; il lui semble qu’on frappe à la porte de sa chambre, et qu’une voix éclatante l’appelle par son nom : « Daniel, Daniel !… » Cette voix, il la reconnaît. C’est du même ton qu’elle criait autrefois : « Jacques, tu es un âne ! »

Les coups redoublent à la porte : « Daniel, mon Daniel, c’est ton père, ouvre vite ! »

Oh ! l’affreux cauchemar. Le petit Chose veut répondre, aller ouvrir. Il se redresse sur son coude mais sa tête est trop lourde, il retombe et perd connaissance…

Quand le petit Chose revient à lui, il est tout étonné de se trouver dans une couchette bien blanche, entourée de grands rideaux bleus qui font