Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

clefs à la main, surveillait l’entrée des externes. Il m’accueillit avec son plus doux sourire.

— Attendez sous le porche, me dit-il ; quand les élèves seront rentrés, je vous présenterai à vos collègues.

J’attendis sous le porche, me promenant de long en large, saluant jusqu’à terre MM. les professeurs qui accouraient essoufflés. Un seul de ces messieurs me rendit mon salut ; c’était un prêtre, le professeur de philosophie, « un original » me dit M. Viot… Je l’aimai tout de suite, cet original-là.

La cloche sonna. Les classes se remplirent… Quatre ou cinq grands garçons de vingt-cinq à trente ans, mal vêtus, figures communes, arrivèrent en gambadant et s’arrêtèrent interdits à l’aspect de M. Viot.

— Messieurs, leur dit le surveillant général en me désignant, voici M. Daniel Eyssette, votre nouveau collègue.

Ayant dit, il fit une longue révérence et se retira, toujours souriant, toujours la tête sur l’épaule, et toujours agitant les horribles clefs.

Mes collègues et moi nous nous regardâmes un moment en silence.

Le plus grand et le plus gros d’entre eux prit le premier la parole ; c’était M. Serrières, le fameux M. Serrières que j’allais remplacer.

— Parbleu ! s’écria-t-il d’un ton joyeux, c’est bien le cas de dire que les maîtres se suivent, mais ne se ressemblent pas.

Ceci était une allusion à la prodigieuse différence