Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un véritable sanglot…) ; mais je suis sûr que si M. Viot veut bien prendre le nouveau maître sous sa tutelle spéciale, et lui inculquer ses précieuses idées sur l’enseignement, l’ordre et la discipline de la maison n’auront pas trop à souffrir du départ de M. Serrières.

Toujours souriant et doux, M. Viot répondit que sa bienveillance m’était acquise et qu’il m’aiderait volontiers de ses conseils ; mais les clefs n’étaient pas bienveillantes, elles. Il fallait les entendre s’agiter et grincer avec frénésie : « Si tu bouges, petit drôle, gare à toi. »

— Monsieur Eyssette, conclut le principal, vous pouvez vous retirer. Pour ce soir encore, il faudra que vous couchiez à l’hôtel… Soyez ici demain à huit heures… Allez…

Et il me congédia d’un geste digne.

M. Viot, plus souriant et plus doux que jamais, m’accompagna jusqu’à la porte ; mais, avant de me quitter, il me glissa dans la main un petit cahier.

— C’est le règlement de la maison, me dit-il. Lisez et méditez…

Puis il ouvrit la porte et la referma sur moi, en agitant ses clefs d’une façon… frinc ! frinc ! frinc !

Ces messieurs avaient oublié de m’éclairer… J’errai un moment parmi les grands corridors tout noirs, tâtant les murs pour essayer de retrouver mon chemin. De loin en loin, un peu de lune entrait par le grillage d’une fenêtre haute et m’aidait à m’orienter. Tout à coup, dans la nuit des gale-