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— Qu’est-ce donc, monsieur Cassagne ? demanda l’homme aux moustaches.

— C’est le nouveau maître d’étude, répondit le concierge en me désignant… Monsieur est si petit que je l’avais d’abord pris pour un élève.

— Le fait est, dit l’homme aux moustaches, en me regardant par-dessus son verre, que nous avons ici des élèves plus grands et même plus âgés que Monsieur… Veillon l’aîné, par exemple.

— Et Crouzat, ajouta le concierge.

— Et Soubeyrol… fit la femme.

Là-dessus, ils se mirent à parler entre eux à voix basse le nez dans leur vilaine eau-de-vie et me dévisageant du coin de l’œil… Au-dehors on entendait la tramontane qui ronflait et les voix criardes des élèves récitant les litanies à la chapelle.

Tout à coup une cloche sonna ; un grand bruit de pas se fit dans les vestibules.

— La prière est finie, me dit M. Cassagne en se levant ; montons chez le principal.

Il prit sa lanterne, et je le suivis.

Le collège me sembla immense… D’interminables corridors, de grands porches, de larges escaliers avec des rampes de fer ouvragé… tout cela vieux, noir, enfumé… Le portier m’apprit qu’avant 89 la maison était une école de marine, et qu’elle avait compté jusqu’à huit cents élèves, tous de la plus grande noblesse.

Comme il achevait de me donner ces précieux renseignements, nous arrivions devant le cabinet du principal… M. Cassagne poussa doucement