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m’avoir fait traverser deux ou trois larges rues silencieuses, l’homme qui portait ma malle s’arrêta devant une grande maison, où tout semblait mort depuis des années.

— C’est ici, dit-il, en soulevant l’énorme marteau de la porte…

Le marteau retomba lourdement, lourdement… la porte s’ouvrit d’elle-même… Nous entrâmes.

J’attendis un moment sous le porche, dans l’ombre. L’homme posa sa malle par terre, je le payai, et il s’en alla bien vite… Derrière lui, l’énorme porte se referma lourdement, lourdement… Bientôt après, un portier somnolent, tenant à la main une grosse lanterne, s’approcha de moi.

— Vous êtes sans doute un nouveau, me dit-il d’un air endormi.

Il me prenait pour un élève…

— Je ne suis pas un élève du tout. Je viens ici comme maître d’étude ; conduisez-moi chez le principal…

Le portier parut surpris ; il souleva sa casquette et m’engagea à entrer une minute dans la loge. Pour le quart d’heure, M. le principal était à l’église avec les enfants. On me mènerait chez lui dès que la prière du soir serait terminée.

Dans la loge, on achevait de souper. Un grand beau gaillard à moustaches blondes dégustait un verre d’eau-de-vie aux côtés d’une petite femme maigre, souffreteuse, jaune comme un coing et emmitouflée jusqu’aux oreilles dans un châle fané.