Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/132

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son secrétaire. Cela me paraissait la chose la plus naturelle du monde. La lettre de Jacques avec ses histoires de vieux marquis m’avait troublé la cervelle, à coup sûr.

Quoi qu’il en soit, à mesure que je montais l’escalier, ma certitude devenait plus grande : secrétaire du sous-préfet je ne me sentais pas de joie…

En tournant le corridor, je rencontrai Roger, Il était très pâle il me regarda comme s’il voulait me parler ; mais je ne m’arrêtai pas : le sous-préfet n’avait pas le temps d’attendre.

Quand j’arrivai devant le cabinet du principal, le cœur me battait bien fort, je vous jure. Secrétaire de M. le sous-préfet ! Il fallut m’arrêter un instant pour reprendre haleine ; je rajustai ma cravate, je donnai avec mes doigts un petit tour à mes cheveux et je tournai le bouton de la porte doucement.

Si j’avais su ce qui m’attendait !

M. le sous-préfet était debout, appuyé négligemment au marbre de la cheminée et souriant dans ses favoris blonds. M. le principal, en robe de chambre, se tenait près de lui humblement, son bonnet de velours à la main et M. Viot, appelé en hâte, se dissimulait dans un coin.

Dès que j’entrai, le sous-préfet prit la parole.

— C’est donc monsieur, dit-il en me désignant, qui s’amuse à séduire nos femmes de chambre ?

Il avait prononcé cette phrase d’une voix claire, ironique et sans cesser de sourire. Je crus d’abord qu’il voulait plaisanter et je ne répondis rien, mais