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dement, sous les regards de toute l’Assemblée, il lui fallut redescendre ces gradins qu’il avait escaladés au prix de tant de peines et d’argent, mais au bas desquels le précipitait une fatalité inexorable.

C’était cela que les Hemerlingue attendaient, suivant de l’œil jusqu’à sa dernière étape cette sortie navrante, humiliante, qui met au dos de l’invalide un peu de la honte et de l’effarement d’un renvoi ; puis, sitôt le Nabab disparu, ils se regardèrent avec un rire silencieux et quittèrent la tribune, sans que la vieille femme eût osé leur demander quelque renseignement, avertie par son instinct de la sourde hostilité de ces deux êtres. Restée seule, elle prêta toute son attention à une nouvelle lecture qu’on faisait, persuadée qu’il s’agissait encore de son fils. On parlait d’élection, de scrutin, et la pauvre mère tendant sa coiffe rousse, frondant son gros sourcil, aurait religieusement écouté jusqu’au bout le rapport de l’élection Sarigue, si l’huissier de service qui l’avait introduite, ne fût venu l’avertir que c’était fini, qu’elle ferait mieux de s’en aller. Elle parut très surprise.

« Vraiment ?… c’est fini ?… » disait-elle, en se levant comme à regret.

Et tout bas, timidement :

« Est-ce que… Est-ce qu’il a gagné ? »

C’était si naïf, si touchant, que l’huissier n’eut pas même envie de rire.

« Malheureusement non, madame. M. Jansoulet n’a pas gagné… Mais aussi pourquoi est-il arrêté en si beau chemin… Si c’est vrai qu’il n’était jamais venu à Paris et qu’un autre Jansoulet a fait tout ce dont on l’accuse, pourquoi ne l’a-t-il pas dit ? »