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une dernière leçon d’élégance aux Parisiens accourus à ses obsèques comme à un Longchamp de la mort.

Encore trois maîtres de cérémonie, puis venait l’impassible pompe officielle, toujours la même pour les mariages, les décès, les baptêmes, l’ouverture des Parlements ou les réceptions de souverains, l’interminable cortège des carrosses de gala, étincelants, larges glaces, livrées voyantes chamarrées de dorures, qui passaient au milieu du peuple ébloui auquel ils rappelaient les contes de fées, les attelages de Cendrillon, en soulevant de ces « Oh ! » d’admiration qui montent et s’épanouissent avec les fusées, les soirs des feux d’artifice. Et dans la foule il se trouvait toujours un sergent de ville complaisant, un petit-bourgeois érudit et flâneur, à l’affût des cérémonies publiques, pour nommer à haute voix tous les gens des voitures à mesure qu’elles défilaient avec leurs escortes réglementaires de dragons, cuirassiers ou gardes de Paris.

D’abord les représentants de l’empereur, de l’impératrice, de toute la famille impériale ; après, dans un ordre hiérarchique savamment élaboré et auquel la moindre infraction aurait pu causer de graves conflits entre les différents corps de l’État, les membres du conseil privé les maréchaux, les amiraux, le grand chancelier de la Légion d’honneur, ensuite le Sénat, le Corps législatif, le Conseil d’État, toute l’organisation justicière et universitaire dont les costumes, les hermines, les coiffures vous ramenaient au temps du vieux Paris, quelque chose de pompeux et de suranné, dépaysé dans l’époque sceptique de la blouse et de l’habit noir.

Félicia, pour ne pas penser, attachait volontairement ses yeux à ce défilé monotone d’une longueur exaspérante ; et peu à peu une torpeur lui venait, comme si