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vois encore le nom de Jansoulet en tête du conseil d’administration… Vous ne pouvez donc pas le tirer de cette caverne d’Ali-Baba ?… Prenez garde… prenez garde…

— Eh ! je le sais bien, monsieur Joyeuse… Mais, pour sortir de là avec honneur, il faut de l’argent, beaucoup d’argent, un nouveau sacrifice de deux ou trois millions ; et nous ne les avons pas… C’est justement pour cela que je vais à Tunis essayer d’arracher à la rapacité du bey un morceau de cette grande fortune qu’il détient si injustement… En ce moment, j’ai encore quelque chance de réussir, tandis que plus tard peut-être…

— Partez vite alors, mon cher garçon, et si vous revenez avec un gros sac, ce que je vous souhaite, occupez-vous avant tout de la bande Paganetti. Songez qu’il suffit d’un actionnaire moins patient que les autres pour tout faire sauter, exiger une enquête, et vous savez vous, ce qu’elle révélerait, l’enquête… À la réflexion même, ajouta M. Joyeuse dont le front se plissait, je m’étonne que Hemerlingue, dans sa haine contre vous ne se soit pas procuré en sous-main quelques actions… »

Il fut interrompu par le concert de malédictions, d’imprécations que soulevait le nom de Hemerlingue parmi toute cette jeunesse haïssant le gros banquier pour le mal qu’il avait fait au père, pour celui qu’il voulait à ce bon Nabab adoré dans la maison à travers Paul de Géry.

« Hemerlingue, sans cœur !… Scélérat !… Méchant homme ! »

Mais, au milieu de tous ces cris, l’imaginaire continuait sa supposition du gros baron devenant actionnaire de la