Page:Daudet - Le Nabab, Charpentier, 1878.djvu/197

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’on éteint au moindre craquement dans les couloirs. Ces cachotteries répugnent à mon caractère… Mais quand je reçus, comme pour le bal des gens de maison, une invitation sur papier rose écrite d’une très-belle main :

M. Noël pri M… de se randre à sa soire du 25 couran.

On soupra.

Je vis bien, malgré l’orthographe défectueuse, qu’il s’agissait de quelque chose de sérieux et d’autorisé ; je m’habillai donc de ma plus neuve redingote, de mon linge le plus fin, et me rendis place Vendôme, à l’adresse indiquée par l’invitation.

M. Noël avait profité pour donner sa fête d’une première représentation à l’Opéra où la belle société se rendait en masse, ce qui mettait jusqu’à minuit la bride sur le cou à tout le service et la baraque entière à notre disposition. Nonobstant, l’amphitryon avait préféré nous recevoir en haut dans sa chambre, et je l’approuvai fort, étant en cela de l’avis du bonhomme :

Fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre !
Mais parlez-moi des combles de la place Vendôme. Un tapis-feutre sur le carreau, le lit caché dans une alcôve, des rideaux d’algérienne à raies rouges, une pendule à sujet en marbre vert, le tout éclairé par des lampes modérateurs. Notre doyen M. Chalmette n’est pas mieux logé que cela à Dijon. J’arrivai sur les neuf heures avec le vieux Francis à Monpavon, et je dois avouer que mon entrée fit sensation, précédé que j’étais par mon passé académique, ma réputation de civilité et de grand