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Puis voyant l’Irlandais faire un pas vers l’atelier. « Non, non, n’y allez pas… Elle m’a bien recommandé de ne laisser entrer personne…

— Mais moi ?

— Je vous en prie… vous me feriez gronder. »

Jenkins allait se retirer, quand un éclat de rire de Félicia passant à travers les tentures lui fit lever la tête.

« Elle n’est donc pas seule ?

— Non. Le Nabab est avec elle… Ils ont séance… pour le portrait.

— Et pourquoi ce mystère ?… Voilà qui est singulier… »

Il marchait de long en large, l’air furieux, mais se contenant.

Enfin, il éclata.

C’était d’une inconvenance inouïe de laisser une jeune fille s’enfermer ainsi avec un homme. Il s’étonnait qu’une personne aussi sérieuse, aussi dévouée que Constance… De quoi avait-on l’air ?…

La vieille dame le regardait avec stupeur. Comme si Félicia était une jeune fille pareille aux autres ! Et puis quel danger y avait-il avec le Nabab, un homme si sérieux, si laid ? D’ailleurs Jenkins devait bien savoir que Félicia ne consultait jamais personne, qu’elle n’agissait qu’à sa tête.

« Non, non, c’est impossible, je ne peux pas tolérer cela », fit l’Irlandais.

Et, sans s’inquiéter autrement de la danseuse qui levait les bras au ciel pour le prendre à témoin de ce qui allait se passer, il se dirigea vers l’atelier ; mais, au lieu d’entrer droit, il entrouvrit la porte doucement, et souleva un coin de tenture par lequel une partie de