La vision de cette famille, hier, m’a donné l’idée d’un dialogue qui serait intéressant à développer.
— Ce pauvre monsieur a l’air bien malade.
— Il n’est pas bien à plaindre ; choyé, entouré… Sa femme, ses enfants ; voyez cette grande jolie fille ; quelle sollicitude à chaque pas ; comme elle le guette, le surveille ! Moi, je vis avec un domestique qui n’est jamais là, m’oublie au salon comme un balai, me regarde souffrir avec indifférence ou une feinte pitié plus odieuse encore.
— Vous ne connaissez pas votre bonheur ! Je sais ce que c’est, la douleur en famille, et je peux en parler. À moins d’être un abominable égoïste, on est obligé de retenir ses cris pour ne pas attrister ceux qui vous entourent.
Si vous avez de tout jeunes enfants, vous ne voulez pas leur assombrir les seules heures blanches et heureuses de la vie, leur laisser le souvenir d’un vieux bonhomme de père toujours geignant. Un malade dans une maison, c’est si terrible, si pesant, surtout des malades comme nous, qui durent, qui traînent…
Tenez ! vous, rien qu’à vous voir vous tortiller dans une plainte continuelle, il est évident que vous vivez seul, sans gêne, sans contrainte.
— Il ferait beau voir qu’on n’eût pas le droit de se plaindre, quand on souffre !