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Cette année, à Néris, les yeux moins aigus ou la table moins intéressante. Quelques types pourtant. Mme M***, femme de magistrat, organisation de parties, grosse mère faisant la fête avec les substituts. « Du Champagne et soyons gais ! Vous n’êtes pas gai ! » Les réceptions à Châteaudun… Deux filles, une grande, prétentions à l’élégance, tête de cheval, quantité de robes dans ses malles ; la petite, douze ans, enfant singulière aux yeux noirs sans regard, mouvements clownesques, pâmoisons dont sa mère la tire en lui passant sur les yeux l’or de son « porte-bonheur ». Adresse de singe et de somnambule.

Ce que la femme nous raconte de son mari, bizarreries, toquades, hypocondrie, toutes les maladies. Opération aux yeux sans nécessité ; quand il va aux eaux avec sa femme et ses enfants, descend dans un autre hôtel qu’elles. Voyage de noces : la chambre divisée en deux : « Chez vous… Chez moi… Vos chaises, les miennes. » Et c’est un juge, ce détraqué ! Souvenir du déjeuner pique-nique — la femme par terre, de tout son long, la tête plus basse que les pieds, et sa fausse natte détachée, en rond, lovée comme une couleuvre !

Les « Dames seules ». Mme T***. « Intelligente comme un homme » (?), « élève de D*** », tête d’israélite, longs yeux en rainure luisante, bagout de Paris, histoire avec le violoncelliste du Casino surpris à cinq heures du matin remettant sa cravate dans le petit salon. Mme L***, petite femme au sourire maniéré, aux coins de bouche relevés, fanée, mystérieuse, timide, sans usages, arrivant à table avec des branchages, des buissons de fleurs à la ceinture, puis, honteuse, gênée, arrachant sournoisement sa guirlande d’arc triomphal.

Autre type de « dame seule ». La bonne Mme S*** avec son amie Mlle de X***. Deux mines de sœurs tourières, s’enfuyant de table