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Ce que j’ai souffert hier soir — le talon et les côtes ! La torture… pas de mots pour rendre ça, il faut des cris.

D’abord, à quoi ça sert, les mots, pour tout ce qu’il y a de vraiment senti en douleur (comme en passion) ? Ils arrivent quand c’est fini, apaisé. Ils parlent de souvenir, impuissants ou menteurs.

Pas d’idée générale sur la douleur. Chaque patient fait la sienne, et le mal varie, comme la voix du chanteur, selon l’acoustique de la salle.

La morphine. Les effets sur moi. Les nausées s’accentuant.

Par moments, impossibilité d’écrire, tellement la main tremble, surtout quand je suis debout.

(Mort de Victor Hugo, signature au registre. Entouré, regardé — terrible. L’autre jour, au Crédit Lyonnais, rue Vivienne.)

L’intelligence toujours debout, mais la faculté de sentir qui s’émousse. Je ne suis plus bon comme j’étais.