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J’ai eu depuis un an cette impression très forte, à deux fois ; une surtout, et pour une cause si niaise, si basse, un stupide drame de domestiques à la campagne. Le duel Drumont-Meyer aussi.

Et chaque fois j’ai senti sur ma figure et par tout mon corps ce curieux creusement, ce travail au couteau, opéré sur mon triste personnage.

Duruy me disait avoir été frappé de cette décomposition de mes traits, sur le terrain, en pleine tragédie. Un creux qui reste.

De quoi est faite la bravoure d’un homme ? Voilà maintenant qu’en voiture les écarts d’une rosse de fiacre, un cocher pochard, me préoccupent et m’apeurent.

Depuis ma maladie, je ne peux plus voir se pencher à une fenêtre ma femme ni mes enfants. Et s’ils s’approchent d’un parapet, d’une rampe, tout de suite, tremblement de mes pieds, de mes mains. Angoisse ; pâleur. (Souvenir du Pont-du-Diable, près Villemagne.)

… Du jour où la Douleur est entrée dans ma vie…