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mais après le sacrifice d’une partie de la jeunesse française. » L’observation était judicieuse venant d’un si jeune homme. Quand, plus tard, Fouché réunissait les éléments de l’acte d’accusation, à l’aide de toutes ces pièces, saisies au moment de l’arrestation de Chateaubriand, il écrivit prudemment en regard de celle-ci : « Je pense qu’il faut supprimer cet article et partant la question. » Il en restait assez d’autres pour établir la complicité de Boisé-Lucas fils. Il y avait notamment, dressé par lui, un tableau des effectifs de la garnison de Paris et des remarques suspectes sur l’état d’esprit des soldats.


V

Cependant, après avoir vainement attendu Quintal, Chateaubriand était parvenu à faire acheter une barque par Chauvel. Dans la nuit du 9 au 10 novembre, ils partirent ensemble de Saint-Cast, « par un temps affreux ». Au bout de vingt-quatre heures, alors qu’ils allaient arriver en vue de Jersey, après avoir failli vingt fois de périr, le vent changea, les ramena en France. La barque faisant eau, ils durent débarquer, non loin de Saint-Cast. Par bonheur, les douaniers n’étaient pas à leur poste. Chateaubriand put regagner la maison de Boisé-Lucas père. Dès le lendemain, il se remettait en quête des moyens de partir. Mais la difficulté de les trouver grandissait de jour en jour. La semaine précédente, était arrivé à Saint-Malo un corsaire ramenant vingt prisonniers anglais. Tandis qu’on les conduisait à la prison de la ville, l’un d’eux s’échappa. On