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visites par le menu. Caillé l’avait reçu dans son antichambre, debout sans vouloir prendre la lettre de Larivière ni s’occuper « d’un homme réfugié à Londres ». C’était trop dangereux. Laya, lorsque le jeune émissaire se présenta chez lui, venait de sortir. En rentrant il trouva la lettre qui lui était destinée. Boisé-Lucas l’avait laissée avec un mot annonçant sa visite prochaine. En vue de la prévenir, Laya lui écrivait : « Monsieur, c’est avec plaisir que j’ai reçu des nouvelles de M. H. L. votre ami. Je n’ai pas oublié quelques-unes de ces aimables soirées chez Mme  Dufrénoy, ma cousine, avec l’abbé Sicard, Legouvé, Doigny, etc., etc., et ce souvenir me mène naturellement au regret de le voir éloigné de sa patrie depuis tant d’années. Je conçois son désir d’y rentrer. Il me consulte sur les moyens à prendre pour faire cesser son exil. Éloigné comme je le suis par ma position des personnes qui pourraient les connaître et les indiquer, vivant très obscur dans le sein de ma famille et occupé également de mes travaux littéraires, je ne puis que former des vœux qui, bien qu’impuissants, ne sont pas moins sincères pour le voir enfin rentrer dans ses pénates et embrasser ses anciens amis. »

Cette lettre n’était pas encourageante. Elle ne révélait pas, dans son auteur, une âme intrépide ni le goût des aventures politiques. Mais pouvait-on attendre mieux d’un homme qui s’honorait « de vivre des bontés du gouvernement » et qui n’ignorait pas les rigueurs exercées contre quiconque entretenait des relations avec l’Angleterre ? Boisé-Lucas revint le voir. Cette fois, sous des formes toujours exquises, Laya déclara ne vouloir se mêler de rien. Il tremblait à l’idée d’attirer sur sa tête les foudres policières. Il en faisait l’aveu : « Telle une colombe fugitive qui, poursuivie par un sinistre faucon, parvient à force d’ailes à regagner son humble