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ne serait pas celle qui paraît vous tourmenter. Heureux de voir Sa Majesté délivrée d’un ennemi acharné, féroce, plein d’audace et de résolution, je ne penserais qu’à la reconnaissance que m’inspirerait l’individu qui aurait, en facilitant sa recherche, aidé à son arrestation. » À cet avertissement à peine déguisé sous la courtoisie des paroles, il ajoutait : « Mais je crois que vous vous trompez sur cet individu. » Il comptait utiliser encore Mme de Vaubadon. Il ne voulait pas encourager les soupçons qui planaient sur elle. Par malheur, il était trop tard pour la défendre. La veuve Amfrie avait parlé, révélé le rôle de cette misérable femme, accrédité la version de sa participation au meurtre de d’Aché.

Vainement, de rares amis, acharnés à plaider pour elle, essayaient-ils d’insinuer que le proscrit était mort dans une lutte loyale, en disputant sa liberté à ses agresseurs. Personne n’en croyait rien. Après avoir livré d’Aché, Mme de Vaubadon l’avait fait assassiner pour être sûre d’échapper à sa vengeance. L’idée du guet-apens dont, pour plaire à Fouché, elle s’était rendue complice, prenait corps, se précisait, livrait sa personne et son nom au mépris public. Elle en eut bientôt recueilli les témoignages. Les salons de Caen lui furent fermés. Un soir, où elle avait osé se présenter au théâtre, elle dut se retirer devant les huées et les injures de la foule ameutée qui, par allusion à un châle rouge jeté sur ses épaules, s’écriait :

– Il est teint du sang de d’Aché !

Quelques jours avant, un accueil analogue avait été fait au brigadier de gendarmerie que la rumeur publique désignait déjà comme l’assassin. Il venait de recevoir, pour des services ignorés, la croix de la Légion d’honneur. On y voyait la récompense de son forfait.

– On donne la croix à foison ! disait-on.


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