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et en faisant sur le sol une tache plus grande.

Il n’y eut parmi les auteurs de cette lugubre découverte aucun doute sur les circonstances en lesquelles avait péri ce malheureux. Il était mort assassiné. Ses mains liées l’attestaient avec évidence. Ce fut aussi l’avis du maire de Luc et du greffier du juge de paix qui vinrent dresser procès-verbal. Il était sans doute tombé victime d’une bande de malfaiteurs qui lui avaient ensuite enlevé son argent. Les habitants du hameau de Bout-Varin déclarèrent avoir entendu, durant la nuit, plusieurs détonations d’armes à feu, mais ne s’en être pas alarmés. Les élections pour la garde nationale et les opérations du tirage au sort ayant eu lieu le même jour, ils avaient attribué ce tumulte à des gens ivres, gardes nationaux ou conscrits. L’opinion générale était donc qu’il y avait eu crime. Ce fut constaté dans l’acte de décès et dans la réquisition adressée au maire de Luc par le lieutenant de gendarmerie Mancel, « à l’effet de faire procurer au cadavre la sépulture nécessaire ». L’inhumation eut lieu le 10 septembre.

Mais, dès le lendemain, à la version de l’assassinat s’en substituait une autre, présentée par le sous-officier Foison en sa qualité de chef de la brigade de Luc, dans le procès-verbal qu’il dut adresser au préfet. D’après celle-là, se trouvant dans la nuit avec trois gendarmes sur la route de Luc à la Délivrande, il avait rencontré deux individus dont l’un s’était enfui à son approche, dont l’autre, au lieu d’obéir à l’ordre de s’arrêter, s’était servi de ses armes et avait blessé le cheval de l’un des gendarmes. Ceux-ci avaient riposté et, la lutte se continuant par la résistance de l’inconnu à qui l’on demandait son passeport, il était tombé pour ne plus se relever.

L’invraisemblance de ces détails éveilla les doutes de l’honnête Caffarelli. Comment quatre gendarmes