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s’ajoutaient, à la charge des condamnés solidairement, la restitution des soixante mille francs volés au Trésor et le payement des frais du procès, liquidés à trois mille trente-trois francs. Les autres accusés, au nombre de neuf, bénéficiaient d’un acquittement, même Chauvel et Mallet, qu’une sentence du conseil de guerre devait envoyer ultérieurement dans les bataillons coloniaux, sentence si douce qu’elle trahit la promesse qui leur avait été faite de les épargner s’ils voulaient dire toute la vérité. Quant aux contumaces, l’arrêt n’y faisait aucune allusion. On se réservait d’ouvrir contre eux, en temps et lieu, une procédure nouvelle.

La marquise de Combray avait écouté cette lecture, debout, les yeux baissés, sans manifester aucune émotion, même en entendant prononcer contre sa fille la peine capitale. Également calme, celle-ci s’était contentée de faire un signe à son défenseur comme pour lui rappeler une chose convenue. Il se leva, en demandant la parole. Mais un grave incident l’empêcha de s’expliquer. Un des condamnés à mort, Pierre Le Hericey, un colosse, venait de bondir du banc des accusés dans la foule, en franchissant la balustrade du prétoire. Il cherchait à fuir, frappant et renversant tout autour de lui, s’efforçant de démolir la muraille humaine qui lui barrait la route. Les gendarmes s’étaient élancés sur ses pas. Ils ne purent se rendre maîtres de ce forcené qu’après une lutte violente durant laquelle plusieurs personnes furent foulées aux pieds et blessées. Ils l’emportèrent hurlant et écumant, hors de la salle.

Alors, seulement, Chauveau-Lagarde put parler.

« J’ai le devoir, dit-il, d’avertir le tribunal que Mme  Aquet de Férolles se déclare enceinte. »

Ce fut un coup de théâtre. Une rumeur de surprise éclata. La condamnée étant en prison depuis plus d’une