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gendarme. Il demanda les passeports. Delaistre avait négligé de faire viser le sien. Quant à Mme  Aquet de Férolles, elle n’en avait point. Delaistre feignit d’être alarmé. Il confia ses craintes à l’aubergiste.

– Bah ! fit ce dernier en riant. Payez à boire au gendarme, nous le griserons.

Le gendarme très bénévolement se laissa griser. Il dormait encore quand on se remit en route vers le soir. On voyagea durant la nuit et Delaistre ne songea à prendre un peu de repos qu’au matin en arrivant à Pont-Audemer. Là, de nouveau, les passeports furent demandés. Mais, cette fois, ce fut par Liquet lui-même, déguisé en brigadier de gendarmerie. Delaistre les lui présenta en simulant un grand trouble.

– Ils ne sont pas en règle, observa durement Liquet. Je vous emmène à Rouen, où vous vous expliquerez avec qui de droit.

– C’est une mauvaise querelle que vous nous cherchez, répliqua Delaistre.

– Je le souhaite pour vous, reprit Liquet. Mais vous êtes signalé comme ayant l’habitude de favoriser l’évasion de gens suspects. J’ai le devoir de vous arrêter, ainsi que madame, qui sera remise en liberté en arrivant à Rouen.

D’abord dupe de cette comédie, Mme  Aquet de Férolles ne fut détrompée qu’à l’entrée de la prison, d’où elle ne devait plus sortir que pour aller à l’échafaud. Le même jour, le préfet de la Seine-Inférieure annonçait à Réal l’heureuse issue de ses efforts. « Buquet et Alain (le général Antonio), ajoutait-il en finissant, se rendront sous huitaine à Caen pour confier leur sort au même patron de barque. Jusqu’à présent, tout a réussi à souhait. Le gendarme Chauvel, l’avoué Lanjalley et tous les subalternes employés à Falaise et à Caen sont