Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/259

Cette page n’a pas encore été corrigée

ni retrouver une égale sécurité. D’ailleurs, fût-elle prise et traduite devant les tribunaux, aucun des magistrats de Caen ne voudrait la condamner.

– Possible, objecta très à propos le patron Delaistre. Mais ignorez-vous, madame, qu’on parle d’un décret impérial qui attribuerait cette affaire au tribunal spécial de Rouen ?

L’objection brusquement détruisait la confiance de Mme  Aquet de Férolles. Delaistre profita de ses craintes, soudain éveillées, pour lui prêcher la nécessité de quitter la France où, désormais, il n’y avait plus pour elle ni repos ni salut.

– Sans compter, ajouta Vanier de la Chauvinière, que votre départ sera pour nous une délivrance. Votre présence à Caen constitue un danger pour tout le monde.

Devant ces instances, Mme  Aquet de Férolles se résigna à suivre les conseils de sa mère. Le départ fut fixé au lendemain dimanche dans la soirée. Elle devait se rendre à Saint-Valery-en-Caux pour s’y embarquer. Le lendemain, on se retrouva chez le même traiteur. Après un copieux repas, Mme  Aquet de Férolles fit ses adieux à Lanjalley, à Vanier de la Chauvinière, à l’amoureux Chauvel qui pleurait à chaudes larmes, bien qu’elle s’efforçât de le consoler. Delaistre était à cheval. Elle monta en croupe derrière lui, aidée par Chauvel, enveloppée d’une cape de matelot sous laquelle on pouvait, à la faveur de l’obscurité, la prendre pour un petit mousse. Elle partit en cet équipage. C’était le 5 octobre.

Le cheval de Delaistre marcha d’un bon pas pendant toute la nuit. Au lever du jour, nos voyageurs arrivaient à Lunebaud. Ils descendirent dans une auberge pour s’y reposer et attendre la nuit suivante. En même temps qu’eux entrait, dans la salle des voyageurs, un