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le tolère, mais encore elle l’attire, le jugeant nécessaire à sa sûreté. À diverses reprises, on les rencontre courant les chemins. C’est miracle qu’ils n’attirent pas sur eux l’attention des agents qui circulent de toutes parts entre Caen et Falaise, aux abords du château de Donnai et du pavillon de la Bijude. Un jour, ils apparaissent à l’improviste chez Le Marchand, cet aubergiste de Louvigny qui, durant les jours qui ont précédé le crime, a caché les brigands dans son auberge. En voyant entrer Mme  Aquet de Férolles escortée d’un gendarme, Le Marchand croit qu’elle est arrêtée et qu’on vient l’arrêter lui-même. Elle le rassure et lui présente son ami.

– C’est un bon garçon, dit-elle, une âme grande. S’il avait voulu me conduire en prison, il aurait eu la croix. Mais je suis sûre de lui. Il ne me trahira pas.

Chauvel s’attable avec elle dans l’auberge. Mallet vient les rejoindre et tous trois se concertent avec Le Marchand pour aviser aux moyens d’arracher à ce coquin de Joseph Buquet le dépôt qu’il détient et ne veut pas rendre. Mais l’opération présente des difficultés qui semblent insurmontables. On se sépare sans avoir rien décidé. Cependant, Mme  Aquet de Férolles a d’impérieux besoins d’argent. Elle est à bout de ressources. La nécessité de s’en procurer la pousse à se rapprocher des hommes d’affaires de Le Chevallier, auxquels, jusqu’à ce jour, elle s’est dispensée de recourir. Elle va frapper à la porte du seul d’entre eux qu’elle connaisse, un jeune avocat du barreau de Caen. Il se nomme Lanjalley. C’est un homme doux et aimable, au cœur ardent et sensible. Il lui suffit de voir l’infortunée qui vient lui demander secours pour lui appartenir. Sous les formes les plus rassurantes, entraîné par la séduction qu’il subit, il lui promet ses services. Elle lui manifeste sa reconnaissance en des conditions qui achèvent