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Antonio l’itinéraire de la voiture et l’heure de son départ d’Argentan, « toute la noblesse du Poitou », voire un officier, aide de camp de l’Empereur, fils d’un fabricant de draps de Louviers et qui aurait écrit au lendemain d’Iéna : « Encore une victoire comme celle-là et nous n’avons plus d’armée. »

Lefebvre croyait acheter par ses radotages l’indulgence du gouvernement. Mais, dans ses dires, trop grande était la part du mensonge pour qu’on ajoutât foi à toutes ses affirmations. Fouché et Réal n’eurent aucune peine à discerner ce qu’il en fallait écarter. Il y a dans le dossier une pièce bien curieuse. C’est une lettre de Lefebvre dans laquelle il offre pour prix de la liberté qu’il réclame d’entrer en relation avec les amis du comte d’Artois et plus spécialement avec M. de Rivière pour les surveiller. En marge de cette lettre, Fouché a jeté, de sa lourde écriture, cette réflexion dédaigneuse : « Voilà des gars bien instruits. Ils ne savent pas que Rivière est à la citadelle de Strasbourg. » Lefebvre avait vidé son sac ; on ne s’occupa plus de lui. La police tenait les principaux fils du complot. À l’exception de Le Chevallier, resté au secret dans la prison du Temple, de la marquise de Combray, de son fils et de ses serviteurs enfermés à Rouen, les détenus parlaient à qui mieux mieux.

De septembre 1807 à janvier 1808, dans le Calvados, dans l’Eure, dans l’Orne, dans la Seine-Inférieure, quatre-vingts personnes étaient incarcérées, les unes étrangères à l’affaire, d’autres qui y avaient été mêlées. C’était maintenant le préfet de Rouen, M. Savoye-Rollin, qui dirigeait cette formidable instruction. Confident de Fouché et de Réal, instrument complaisant et docile de leurs ordres, M. Savoye-Rollin, qui deviendra plus tard le baron Rollin, comme Caffarelli deviendra le