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La plus grave consista à tenter de mettre l’argent volé entre des mains plus sûres que celles des frères Buquet. Elle lui fut suggérée par Mme  Aquet de Férolles, à l’instigation du notaire Lefebvre. Celui-ci avait hâte de tenir tout ou partie de la somme. Il la réclamait sans cesse, alléguant des instructions de Le Chevallier qui en déterminaient l’emploi. Il montrait les lettres d’un avoué de Caen, Vanier de la Chauvinière, à qui Le Chevallier aurait donné mandat d’en exiger le payement. Le 18 juillet au matin, Mme  de Combray, sa fille et le notaire arrivèrent en voiture chez les Buquet, conduits par Lanoë. La marquise reçut neuf mille francs. On les chargea sur la voiture. Par des chemins détournés qu’indiquait Lefebvre, assis sur le siège, on les transporta à Caen chez un sieur Gelin, qui s’était chargé de les remettre secrètement à l’avoué.

Cette première expédition ayant réussi, la marquise voulut la recommencer. Mais, cette fois, les Buquet alléguèrent des prétextes pour refuser tout nouveau versement. Le pays était surveillé ; ils redoutaient, dirent-ils, d’être trahis par ces allées et venues. Il fut impossible de rien obtenir d’eux. Mme  de Combray retourna à Caen avec Lefebvre afin d’avertir Vanier de la Chauvinière de ce refus et d’aviser aux moyens de dessaisir les Buquet d’un argent qu’elle croyait destiné au service du Roi. Elle rentra dans la nuit, après avoir, en moins de vingt-quatre heures, parcouru deux fois les douze lieues qui séparent Caen de Falaise. Quand elle arriva chez sa fille, elle apprit que des gendarmes étaient venus en son absence chez celle-ci. N’ayant rien trouvé de suspect, ils s’étaient retirés. Il n’en devenait pas moins certain que la police, après avoir vainement cherché les coupables, tenait une piste qui devait fatalement la conduire à les découvrir.