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À la même époque, l’abbé Jacqueneau était à la Force. Depuis longtemps, sa peine avait pris fin, et même les démarches de son évêque qui plaidait pour lui ne pouvaient le faire relâcher. Une pétition signée Jacqueneau, annexée au dossier, est de 1812. Elle porte en marge ce seul mot, écrit de la main de Réal : « Ajourné. » Jacqueneau ne recouvra la liberté qu’à la chute de l’Empire. En 1816, il faisait réclamer dans les bureaux de la police l’ordre de Fouché en vertu duquel il avait été arrêté en 1804.

En même temps qu’elle exécutait avec cette implacable dureté l’arrêt de la commission militaire de Nantes, la police recherchait activement les condamnés qui lui avaient échappé. C’est surtout au chevalier de Céris qu’elle en voulait. C’est que celui-là était de beaucoup le plus dangereux. Aussi veillait-on avec une attention jalouse sur tous ceux qu’on soupçonnait d’avoir eu ou d’avoir encore des rapports avec lui.

Sa maîtresse, cette Mme Dubois dont il a été question plus haut, était l’objet d’un incessant espionnage. Depuis la fuite de Céris, elle vivait retirée à Troyes sous la surveillance de la police. La gérante de l’hôtel où elle avait élu domicile communiquait au préfet de l’Aube les lettres de sa pensionnaire, celles qu’elle écrivait comme celles qu’elle recevait. Ayant demandé et obtenu en avril 1806 l’autorisation de passer un mois à Paris, elle ne cessa d’être suivie, à son insu, d’un agent secret dont le rapport est au dossier. Bien que Mme Dubois se présentât partout comme la veuve du chevalier de Céris, la police sut, par sa correspondance ainsi surprise, que celui-ci était encore vivant. Il continuait à donner de ses nouvelles à sa maîtresse : « Adieu, ma chère amie, lui disait-il, je te couvre des baisers brûlants de l’amour. » Mais ce n’est pas de ce genre de confidences