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Telle était l’audace de Céris que, pour s’assurer la liberté d’aller et venir librement, il était parvenu, quoique émigré et proscrit, à se faire délivrer par le consul de France à Cadix un passeport au nom de Dubois, à destination de Lorient et valable jusqu’en 1806.

À Bordeaux, nos deux conspirateurs bravaient la police, et, au mépris de toute prudence, fréquentaient nombre de gens : Mme  de Saluces, Jean-Baptiste Roger, Michel Cesbron, La Plène, d’autres encore. Parfois, ils se déplaçaient, allaient voir les La Rochejaquelein, le duc de Lorges, et même le curé Jacqueneau et le médecin Gogué en Vendée. Par l’intermédiaire d’officiers de la marine américaine, ils avaient organisé leur correspondance avec l’Angleterre. Le souci de leur sûreté ne les empêchait pas de mener joyeuse vie. Leurs plaisirs les entraînaient souvent jusqu’à Biarritz. La caisse royaliste, alimentée par l’escompte des traites Diego Carrera et gérée par Daniaud-Duperrat, payait leurs dépenses. Il fut ultérieurement établi que, pendant leur séjour à Bordeaux, ils avaient reçu quatre cent mille francs dont il n’y eut pas possibilité de préciser l’emploi. Dans les notes de police conservées au dossier de l’affaire, on trouve leur signalement : Forestier, « très grand, bien dessiné, redingote gris américain, bottes à revers, chapeau rond » ; Céris, « brun, cheveux courts, gros favoris allant jusqu’au menton, petite vérole, coup de feu à l’oreille, habit noir très court, collet droit et haut, bottes à revers ».

Elles contiennent d’autres détails, ces notes de police. À en croire ce qu’elles révèlent, Henri Forestier était en liaison réglée avec une grande dame espagnole, la comtesse d’Oyenhaussen, sœur du duc d’Alcantara. C’est d’elle sans doute qu’il est question dans une lettre sans signature écrite à Londres le 21 octobre 1806, au lendemain