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encore assez de vigueur pour résister. Il se débattait. Dans cette courte lutte, il mordit son agresseur à la main gauche et si profondément que, plus tard, ce fut cette morsure qui dénonça Le Cat. Mais ce dernier l’entraînait, le jetait hors de la voiture en appelant à l’aide. Audrein tomba dans les bras d’un nommé Lemoine qui, en voulant l’arrêter, fut mordu à la main droite. Furieux, Lemoine arma son fusil, fit feu. L’amorce ne prit pas. Audrein s’enfuyait en demandant grâce. Un coup de feu le renversa sur l’avant-train de la voiture.

– Achevez-le, ordonna Le Cat.

Une nouvelle détonation se fit entendre et le malheureux, atteint d’une balle dans le dos, tomba pour ne plus se relever.

Ceci est la version qui servit de base à la procédure. Il en est une autre d’après laquelle les meurtriers, s’étant érigés en tribunal, auraient enjoint à Audrein de revêtir ses habits sacerdotaux, de coiffer sa mitre, de prendre sa crosse, l’auraient jugé, condamné à mort et fusillé. Sous cette forme, le meurtre est plus tragique, la scène plus théâtrale. Mais les pièces officielles et les dépositions des témoins ne permettent pas de la considérer comme authentique, et, sans doute, elle fut inventée après coup.

Quoi qu’il en soit, Audrein avait péri. Alors, les meurtriers rassurèrent les voyageurs, glacés par l’épouvante, les firent remonter en voiture et ordonnèrent au conducteur et au courrier de se remettre en route.

– Nous ne sommes pas des voleurs, dirent-ils ; nous sommes des royalistes. Nous sommes plus contents d’avoir tué cet homme que si nous avions trouvé cent louis.

Le lendemain, le cadavre d’Audrein fut relevé sur la route, et procès-verbal dressé par le juge de paix de