Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/139

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui la ruse, qui la violence. C’est à la violence qu’eurent recours les plus résolus et les plus intrépides, et comme à ce métier on se pervertit rapidement, on vit d’honnêtes gens devenir des bandits. La sincérité de leurs convictions justifiait à leurs yeux leur conduite.

Il faut leur tenir compte aussi des habitudes prises durant de longues années de guerre civile, des mœurs léguées à la France par la Terreur et de leur ardeur à servir le Roi. C’est à ce point de vue qu’il est indispensable de se placer pour apprécier les hommes de cette époque et leurs actes. L’enlèvement d’un sénateur par des gentilshommes que leur éducation semblait détourner de tels moyens, le pillage de sa maison, les procédés employés pour lui extorquer une rançon, tant d’autres forfaits analogues ne furent que la conséquence de convictions poussées à l’extrême.

Quant à la version qui fait de Fouché, à son profit personnel, l’artisan et le metteur en œuvre de cette sinistre aventure, j’ai exposé, au cours de ce récit, les arguments et les raisons qui la contredisent. En toute cette affaire, le ministre de la Police n’encourut qu’un reproche, c’est d’avoir méconnu les promesses de clémence qu’il avait faites, et violé la parole donnée à Bourmont. Et encore peut-on ajouter à sa décharge, encore qu’il mérite si peu d’être défendu, qu’entre l’heure où il promit et celle où il oublia qu’il avait promis, s’accomplirent des événements qu’il ne pouvait prévoir et qui ne lui permirent pas de tenir.