Page:Daudet - La Police et les chouans sous le Consulat et l’Empire, 1895.djvu/134

Cette page n’a pas encore été corrigée

Bien des points n’avaient pas été élucidés, restaient obscurs et quand on désignait aux juges des gens qu’on leur disait coupables, ils ne pouvaient que s’incliner. Les accusés auraient pu objecter que leur grâce avait été promise à Bourmont quand il s’était entremis pour les empêcher de consommer leur forfait et pour obtenir d’eux la liberté de M. Clément de Ris. Mais rappeler cette promesse eût été avouer ce qu’ils persistaient à nier, et Bourmont, qui seul avait autorité pour la rappeler, puisque c’est à lui qu’elle avait été faite, était détenu. Au surplus, à supposer qu’il y eût eu des engagements, Bonaparte et Fouché devaient considérer que le complot de la machine infernale survenu depuis les avait effacés. On va voir cependant que, malgré tout, les membres du tribunal firent preuve d’indépendance et de courage. Ils n’étaient pas inaccessibles à la commisération.

Parmi les accusés, il en était deux, le marquis de Canchy et le comte de Mauduisson, en faveur desquels se multipliaient des démarches pressantes et actives. Elles étaient dirigées par une jeune femme, la marquise de Canchy, qui niait énergiquement la culpabilité de son mari et de son frère. Elle assiégeait les juges, s’efforçait de les émouvoir par ses supplications et ses larmes. Elle avait appelé à son secours deux avocats illustres : Chauveau-Lagarde et Pardessus. Elle leur avait communiqué son ardeur et sa foi, et le tribunal, impressionné par son héroïsme, cherchait à sauver la vie des inculpés sans encourir la colère de Bonaparte. L’absence de M. Clément de Ris fournit aux juges le moyen de procédure qui devait les empêcher de prononcer la condamnation. Les avocats tirèrent de cette absence leurs principaux arguments et ces arguments produisirent l’effet qu’ils en attendaient.