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voit des terres labourées, des arbres, des maisons habitées d’où montent, sur le passage de la troupe, des aboiements de chiens. On fait halte dans une forêt, au centre d’un carrefour, auquel viennent aboutir plusieurs avenues, au pied d’une pyramide indicative. Son escorte s’augmente de trois cavaliers qu’annonce un coup de sifflet, auquel un de ses gardiens répond de même en disant :

– Les voilà !

On se remet en route après qu’il lui a été enjoint de garder le silence. De nouveau, on marche longtemps. Soudain, dans le calme de la nuit, s’élève une voix :

– Qui vive ?

Les brigands se taisent. La même voix reprend :

– Arrête, foutu gueux !

Des coups de pistolet sont tirés autour du sénateur. Puis, il entend qu’on lui adresse la parole :

– Qui êtes-vous ?

– Probablement celui que vous cherchez.

– Le sénateur Clément de Ris ?

Sur sa réponse affirmative, son autre interlocuteur ajoute :

– Vous êtes libre !

Son bandeau tombe. Ses ravisseurs se sont enfuis. Ses libérateurs se nomment, l’entourent, le félicitent et se félicitent du succès de leur mission, dont l’instruit la lettre de Fouché. Ils ajoutent qu’il se trouve à trois lieues de Chavigny. On se dirige vers ce village, par une large avenue toute blanche des rayons de la lune, qui n’a cessé de briller durant cette longue nuit. À cinq heures du matin, on y arrive. M. Clément de Ris est exténué. Il prend quelques heures de repos, après lesquelles, toujours escorté de ses libérateurs, il se remet en route pour regagner sa demeure.