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les chouans et lui. Il lui demanda son appui pour obtenir la mise en liberté de M. Clément de Ris. Il le lui demanda, en alléguant l’intérêt même des royalistes. Si le sénateur n’était promptement relâché, on ne pouvait prévoir à quelles extrémités se porterait le premier Consul. Peut-être, dans son exaspération, rendrait-il les anciens insurgés qui étaient sous sa main responsables de l’acte de violence qu’il attribuait à quelques-uns d’entre eux. Bourmont comprit à demi-mot. Il s’engagea à user de tout son crédit pour hâter le dénouement de cette sinistre aventure.

Tandis que, sous toutes les formes et par toutes les ressources dont elle disposait, la police recherchait Clément de Ris, l’affaire prenait tout à coup une physionomie aussi nouvelle qu’inattendue. Dans l’entourage du premier Consul s’élevaient des doutes, non sur la réalité des faits dont les autorités d’Indre-et-Loire avaient rendu compte, mais sur leur caractère, leurs origines et leurs causes.

Fouché comptait des ennemis puissants et nombreux, ses victimes et ses complices d’autrefois, ceux qui jalousaient sa fortune et la faveur que lui prodiguait Bonaparte, en dépit de son passé de terroriste, de sa réputation d’homme à double face, prêt à toutes les trahisons. À cette heure même, ils exploitaient contre lui un fait dont ils n’avaient pu faire la preuve, mais qui présentait cependant assez de consistance pour devenir une arme dans leurs mains. À les en croire, lorsque, quelques mois avant, Bonaparte était en Italie, Fouché se serait associé à des intrigues ayant pour objet de renverser le premier Consul, si la campagne contre l’Autriche ne tournait pas à la gloire des armes françaises. Au moment de Marengo, l’énigmatique personnage jusque-là si soucieux de ne pas se compromettre se serait trahi