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roué et sa tête de jolie coquine… Je voudrais vivre assez vieux pour voir ce qu’il deviendra…

— Ah ! monsieur de Freydet, dit alors Mme Védrine se mêlant de sa place à la conversation, si vous saviez comme il exploite mon mari… Mais toute la restauration de Mousseaux, la galerie neuve sur la rivière, le pavillon de musique, la chapelle, c’est Védrine qui a tout fait ; et le tombeau de Rosen ! On lui payera seulement la sculpture, quand l’idée, l’arrangement, il n’y a pas ça qui ne soit de lui.

— Laisse… laisse… » fit l’artiste sans s’émouvoir. Pardieu ! Mousseaux, jamais ce gamin-là n’aurait été fichu d’en retrouver une corniche sous la couche de bêtise que les architèques y déposaient depuis trente ans, mais le pays délicieux, la duchesse aimable et pas gênante, l’ami Freydet qu’on avait découvert à Clos-Jallanges… « Et puis, voilà, j’ai trop d’idées : elles me gênent, me dévorent… C’est me rendre service de m’alléger de quelques-unes… Mon cerveau ressemble à l’une de ces gares de bifurcation où des locomotives chauffent sur tous les rails, dans toutes les directions… Il a compris ça, ce jeune homme, les inventions lui manquent, il me chipe les miennes, les met au point de la clientèle, certain que je ne réclamerai jamais… Quant à être sa dupe !… Je le devine si bien lorsqu’il va me happer quelque