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rature ou d’art, vous trouvez l’académicien racoleur souriant aux jeunes talents qui bourgeonnent : « L’Académie a l’œil sur vous, jeune homme !… » Si le renom est déjà venu, si l’auteur en est à son troisième ou quatrième bouquin, comme toi, alors l’invite est plus directe : « Pensez à nous, mon cher, c’est le moment… » Ou brutalement, dans une bourrade affectueuse : « Ah ça ! décidément, vous ne voulez pas être des nôtres ?… » Le coup se fait aussi, mais plus insinuant, plus en douceur, avec l’homme du monde, traducteur de l’Arioste, fabricant de comédies de sociétés : « Hé ! hé !… dites donc… mais savez-vous que… ? » Et si le mondain se récrie sur son indignité, le peu de sa personne et de son bagage, le racoleur lui sort la phrase consacrée : « l’Académie est un salon… » Bon sang de Dieu ! ce qu’elle a servi, cette phrase-là : « l’Académie est un salon… elle ne reçoit pas l’œuvre seulement, mais l’homme… » En attendant, c’est le racoleur qui est reçu, choyé, de tous les dîners, de toutes les fêtes… Il devient le parasite adulé des espérances qu’il fait naître et qu’il a soin de cultiver… »

Ici, le bon Freydet s’indigna. Jamais son maître Astier ne se livrerait à des besognes aussi basses. Et Védrine haussant les épaules :

« Lui, mais c’est le pire de tous, le racoleur convaincu, désintéressé… Il croit à l’Académie ;