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dans le gilet blanc de Brétigny. Depuis dix ans qu’il a posé sa candidature, le pauvre Moser découragé n’ose plus lui-même, il envoie sa fille, personne déjà mûre, pas jolie, et qui se donne un mal d’Antigone, monte des étages, s’improvise commissionnaire et corvéable des académiciens et de leurs femmes, corrige les épreuves, soigne les rhumathismes des uns et des autres, use son triste célibat à cette poursuite du fauteuil où son père n’atteindra jamais ; en noir, modeste, mal coiffée, elle encombre la sortie, non loin de Dalzon qui, très agité, se débat entre deux académiciens à têtes de juges et proteste d’une voix étranglée :

« Pas vrai… une infamie !… Jamais écrit cela… »

Mystère !… Madame Astier, qui pourrait me renseigner, est elle-même en conférence très intime avec Lavaux et le prince d’Athis.

Tu as dû l’apercevoir en voiture avec la duchesse, roulant sur les routes de Mousseaux, ce d’Athis, Samy, comme on l’appelle, un long, mince, chauve, cassé en deux, la figure fripée, d’un blanc de cire, une barbe noire jusqu’au milieu de la poitrine, comme si tous les cheveux qui lui manquent étaient tombés dans cette barbe ; un homme qui ne parle pas, et qui, lorsqu’il vous regarde, semble scandalisé que vous osiez res-