Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/348

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

invention darwinienne de « la lutte pour la vie » sert d’excuse scientifique en toutes sortes de vilenies. Freydet reprit :

« Enfin, toujours, le voilà riche… ce qu’il voulait… Son nez ne l’a pas fait dévier, cette fois !

— Attendons, il faudra voir !… La duchesse n’est pas commode ; et lui, avait un sacré mauvais œil à la mairie !… Si sa vieille dame l’ennuie trop, nous pourrions bien le retrouver en cour d’assises, ce fils et petit-fils d’immortels !

— Témoin Védrine ! » appela l’huissier à toute voix. En même temps, l’énorme éclat de rire d’une foule pressée et communicative s’échappait du battement de la porte. « Cristi ! on ne s’embête pas, là-dedans ! » dit le garde de Paris de planton dans le couloir.

La salle des témoins, vidée peu à peu pendant la causerie des deux copains, ne renfermait plus que Freydet et la concierge de la Cour des Comptes, effarée de paraître en justice et tortillant les brides de son bonnet d’un mouvement maniaque. Pour le Candidat, au contraire, l’occasion était unique d’encenser publiquement l’Académie française et son secrétaire perpétuel, dans un petit speech très reproduit par les feuilles et comme le prologue de son discours de réception. Seul, maintenant que la bonne femme passait à son tour, il arpentait la pièce, stationnait devant